HomeC'est nouveauMythe persistant en allaitement : Le manque de lait

Mythe persistant en allaitement : Le manque de lait

Un des mythes les plus persistant en allaitement est le manque de lait ou une production insuffisante. En cette Semaine mondiale de l’allaitement, tentons de démystifier le processus de la lactation.

Malheureusement, c’est le manque de connaissances concernant le processus de la lactation qui est généralement la cause principale d’une production insuffisante et dans de rares cas, une cause anatomique ou métabolique. D’une part, les futurs parents n’ont pas toujours reçu l’enseignement nécessaire afin d’effectuer une bonne gestion de leur lactation après la naissance de bébé et d’une seconde part, les professionnels de la santé œuvrant auprès de cette clientèle, n’ont pas toujours les connaissances pour enseigner les bonnes pratiques et répondre aux questions courantes concernant l’allaitement maternel également.


Votre rôle en tant que professionnel de la santé

Encourager les parents à s’informer et à se préparer à la naissance de leur bébé et à l’allaitement augmentera certainement les chances d’un allaitement réussi et d’une production suffisante de lait. Référer durant la période anténatale les parents vers les ressources en allaitement comme le CLSC, Naissance-Renaissance Outaouais ou des sources de formations en allaitement privé de la région afin d’être bien préparés lors de la venue de leur bébé, fera une grande différence dans leurs expérience d’allaitement. Encourager l’expression manuelle dès la 37e semaine de grossesse s’il n’y a pas de contre-indication, permettra aux parents de se familiariser avec l’allaitement et même de se faire une petite réserve de colostrum en cas de besoins dans les premiers jours de vie de leur bébé. Des documents à l’intention des futurs parents et les ressources disponibles dans la région sont disponibles sur le site internet du CISSS de l’Outaouais.

*Astuce : cliquez sur les images pour les voir en plein écran!

Comprendre et démystifier l’allaitement

Dès les premières semaines de grossesse, les hormones s’activent afin de préparer la glande mammaire à produire du lait. Le placenta lui-même contribue grandement à ce processus. Dès la 16e semaine de grossesse, la glande mammaire commence à fabriquer du colostrum, le premier lait reconnu pour ses propriétés immunitaires exceptionnelles. C’est la première phase de la lactogenèse. La lactogenèse 1 et le colostrum perdureront jusqu’à la délivrance du placenta après la naissance du bébé. S’en suivra la lactogenèse II. La délivrance placentaire crée chez la personne gestante un revirement hormonal, plus précisément une chute des taux de progestérone, ce qui permet une augmentation rapide des taux de prolactine sanguin qui étaient tenu en garde par la progestérone durant la grossesse. Les grandes quantités de prolactine sécrétées, l’hormone qui produit le lait, permettra ainsi une augmentation graduelle de la quantité de lait produite par la glande mammaire. Ceci dit, qu’une personne gestante choisisse ou non d’allaiter, ce processus aura lieu suite à la délivrance du placenta. Donc, toute personne ayant accouché pourrait potentiellement avoir une montée laiteuse, mais pas nécessairement une production abondante de lait! C’est ce moment critique, immédiatement après la naissance, qui influencera grandement la capacité de la glande mammaire à produire suffisamment de lait pour subvenir aux besoins du nouveau-né à long terme.

Les études nous ont démontré que la glande mammaire crée des récepteurs de prolactine dans les premières heures suivant la naissance en réponse à la stimulation et que plus le sein est stimulé, soit par la tétée de bébé, par l’expression manuelle ou l’expression au tire-lait, et plus la quantité de récepteur est grande, plus la glande mammaire aura la capacité de produire de grandes quantités de lait rapidement. À défaut de stimulation des seins, la production de lait s’assèchera complètement au bout de quelques semaines post-partum. La quantité moyenne de colostrum produite pendant les premières 24h post-partum est moins de 30 ml. Les propriétés exceptionnelles du colostrum font en sorte qu’une petite quantité est suffisante pour répondre aux besoins du nouveau-né durant les premiers jours de vie.

Quelques petites règles de base à assurer afin de réussir à produire une quantité suffisante de lait rapidement

Tout d’abord, immédiatement après la naissance, permettre le plus de peau à peau possible entre bébé et le parent allaitant, ceci assurera l’homéostasie du bébé et l’encouragera à éveiller ses instincts et ses réflexes innés pour téter au sein. Cela stimulera la sécrétion d’oxytocine, l’hormone responsable du réflexe l’éjection du lait et du lien d’attachement entre autre. Allaiter ou stimuler le sein idéalement dans les 2 premières heures suivant la naissance et dans un délai maximal de 6h post-partum contribuera positivement à la production de lait. Si l’allaitement n’est pas possible, stimulez les seins et exprimez du colostrum manuellement afin de l’offrir à bébé. Allaitez ou stimulez les seins si l’allaitement n’est pas possible, minimalement 8 fois par jour. Ne pas espacer plus de 6 heures entre deux allaitements ou stimulation des seins. Allaitez et ou stimulez minimalement 1 fois la nuit entre 2h et 6h du matin, c’est le moment de la journée où la réponse hormonale est à son paroxysme. Plus le sein sera stimulé, plus la réponse hormonale et la glande mammaire seront sollicitées à fabriquer du lait.

L’utilisation des préparations commerciales durant les premiers jours post-partum nuisent grandement au processus de la lactogenèse II. Le sein moins stimulé engendrera une réponse hormonale insuffisante, créera moins de récepteur de prolactine, et un retard dans la montée laiteuse s’en suivra ainsi qu’une production insuffisante de lait maternel à court et à long terme. C’est à ce moment qu’un cercle vicieux est engendré, comme la montée laiteuse tarde et que les besoins en lait de bébé augmentent, la quantité de lait maternel se trouvera à être insuffisante donc, les quantités de préparations commerciales devront être augmentées et ainsi de suite.

Qu’est-ce qui peut influencer l’arrivée de la montée laiteuse et un bon démarrage de la lactation?

Les césariennes, la péridurale, l’administration de syntocinon pour induire ou stimuler le travail, le diabète ou diabète gestationnel, l’hypertension artérielle et/ou la pré-éclampsie, une hémorragie post-partum, une naissance prématurée ou assistée par ventouse ou forceps…Bref, tout ce qui peut avoir une influence sur la sécrétion naturelle des hormones, la séparation du bébé et de son parent allaitant, le début de la stimulation des seins et la fréquence de la stimulation. Évidemment, certaines situations sont hors de notre contrôle, mais des parents bien préparés et informés, influenceront énormément ce processus et sauront pallier à la plupart de ces embûches.

Bonne semaine mondiale de l’allaitement!

Renée Turgeon inf.IBCLC CISSS de l’Outaouais

Share With: