Intervenir plus efficacement en matière de troubles concomitants santé mentale et dépendance
Connaissez-vous les troubles concomitants?
Le terme troubles concomitants décrit l’état d’une personne souffrant à la fois de problèmes de dépendance et de santé mentale. Cela couvre un large éventail de problèmes associés, comme le trouble anxieux et l’alcoolisme, la schizophrénie et la dépendance au cannabis, le trouble de la personnalité limite et la dépendance à la cocaïne, le trouble bipolaire et le jeu compulsif.
Ces troubles constituent un grave problème de santé au Canada. Plus de 50 % des personnes cherchant de l’aide pour un trouble lié à l’usage des substances présentent aussi un trouble de santé mentale. Entre 15 et 20 % des personnes s’adressant à des services en santé mentale vivent aussi avec un trouble lié à l’usage des substances (CCDUS, 2009). Dans le cas des personnes vivant avec la schizophrénie, le taux d’usage de substance peut atteindre 50 % (Buckley, 2009; Rush, 2008). De plus, les personnes ayant reçu des diagnostics de troubles concomitants représentent près du tiers des admissions dans les établissements hospitaliers de santé mentale (ICIS, 2013).
Améliorer l’offre de service pour les adultes ayant des troubles concomitants
La transformation des pratiques au sein de notre établissement pour mieux répondre aux besoins des personnes présentant des troubles concomitants (TC) est une démarche essentielle. De prime abord, il faut reconnaître que le traitement des personnes souffrant à la fois d’un trouble lié à l’usage de substances (TUS) et d’un trouble de santé mentale (TSM) est complexe et difficile. Leur évolution clinique est défavorable comparativement aux personnes souffrant d’un seul trouble. La consommation de substances peut aggraver le problème de santé mentale et réduire l’efficacité des médicaments pris pour traiter le TSM.
De plus, le risque de suicide est plus élevé que chez d’autres groupes, leur adhésion aux traitements et la réponse aux interventions moins bonnes. Ces personnes vivent de la stigmatisation reliée à leurs maladies et leur état de santé (porteur d’hépatite C, VIH, etc.). En général, l’utilisation des services de santé n’est pas optimale pour les personnes ayant des TC et notre réseau de santé doit composer avec de nombreux défis, notamment :
- Une multiplication des demandes de services à l’urgence.
- Une augmentation du nombre et de la durée des hospitalisations plutôt que d’avoir une prise en charge efficace et moins coûteuse sur un mode ambulatoire.
- Des intervenants à l’aise pour intervenir avec une des problématiques mais ayant besoin d’accompagnement et d’outils pour travailler la concomitance.
- Des trajectoires complexes et un accès aux soins difficile.
- À cette approche non intégrée des TC s’ajoute une offre mal adaptée à la nature chronique et au suivi à long terme que nécessite cette clientèle.
Pour être en mesure de relever ces défis, la Direction des programmes santé mentale et dépendance (DSMD) et ses partenaires, notamment la Direction des services professionnels et de la pertinence clinique (DSPPC), la Direction des services multidisciplinaires et à la communauté (DSMC), la Direction des soins infirmiers (DSI) se sont mobilisés et travaillent ensemble à améliorer la capacité de nos services à mieux répondre aux besoins des personnes ayant des troubles concomitants (TC).
Pour ce faire, dans la 1re phase de notre démarche, 4 projets-pilotes impliquant différents services et équipes de la DSMD seront déployés dès septembre prochain. Ces projets impliqueront les équipes de la résidence psycholégale, du suivi intensif dans la communauté (SI) secteur Hull-Aylmer, de l’unité 2 à l’Hôpital Pierre-Janet, de l’hôpital de jour de santé mentale Le Tremplin et du centre de jour en dépendance Rive. Une attention particulière sera portée au soutien à la pratique professionnelle afin d’offrir aux équipes les outils cliniques et les formations nécessaires au développement des pratiques en TC. Ultimement, nous souhaitons constituer une équipe spécialisée en concomitance afin de jouer un rôle-conseil auprès des différentes équipes cliniques de la DSMD.
L’accompagnement du CECTC et les retombées souhaitées
À notre demande, le Centre d’expertise et de collaboration en troubles concomitants (CECTC) du RUISSS de l’Université de Montréal nous accompagne dans cette aventure. Son rôle est de soutenir notre établissement et nos équipes dans l’implantation d’une offre de soins et de services intégrés et mieux adaptés aux besoins de cette clientèle. Plus spécifiquement, trois membres de l’équipe du CECTC, Dr Didier Jutras-Aswad, psychiatre au Service de psychiatrie des toxicomanies du CHUM, Mme Natalie Bremshey, coordonnatrice des services en dépendance, CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, et Mme Clémence Provost Gervais, responsable du soutien-conseil, travaillent depuis novembre dernier avec les membres du comité tactique du projet et les leaders des projets-pilotes afin de nous aider à améliorer la qualité des services dispensés à cette clientèle. Nous bénéficions ainsi des connaissances issues des plus récentes recherches et avons accès à une communauté de pratique ÉCHO CHUM-TC pour les cliniciens qui interviennent auprès de cette clientèle.
Considérant que les troubles concomitants sont fréquents parmi la clientèle que nous desservons, nous souhaitons que nos services soient en mesure de mieux répondre à leurs besoins et nos équipes habilitées à repérer, évaluer et traiter les personnes ayant des « doubles diagnostics ». Les chances de réussite étant meilleures lorsque le traitement des deux troubles a lieu en même temps ou de façon coordonnée. Nous visons donc la mise en place d’une offre de service collaborative et intégrée. Même si les services de traitement ne sont pas tous dispensés au même endroit, les responsables des services pourront collaborer et coordonner les traitements des usagers qui présentent un TC. Notre processus clinique devra aussi prévoir le recours à différentes approches thérapeutiques (pharmacothérapie, psychoéducation, soutien pour les usagers et leur famille, interventions spécialisées de réadaptation, services de pairs aidants) et une continuité de services centrée sur le rétablissement.
Pour effectuer ces changements de pratique de manière durable, diverses stratégies de soutien à la transformation seront nécessaires. Ces dernières incluront la mise en œuvre d’un plan d’action concret avec des indicateurs de performance, du soutien à la pratique professionnelle et de la formation continue afin que nos équipes acquièrent des compétences en matière de TC, et un grand travail de collaboration interdisciplinaire.
Nous sommes très fiers de ce projet qui aura un impact majeur sur la qualité de nos services. Ensemble on fait la différence!
Au nom du comité tactique sur les troubles concomitants du CISSSO,
Terence Blais, directeur adjoint des services internes à la DSMD
Marie Hortas, agente de planification, programmation et recherche à la DSMD