HomeC'est chaudUne bâtisseuse s’éteint

Une bâtisseuse s’éteint

Une famille de l’Outaouais a rédigé ce texte pour les familles qui ont vécu ou qui vivront le deuil d’un parent dans un CHSLD.


La COVID-19 nous a enlevé notre maman le 28 avril dernier. Elle résidait depuis le 20 février au CHSLD Lionel-Émond. Notre mère avait 92 ans. Elle s’est mariée en 1945, a eu 11 enfants et est devenue veuve en 2006 après 61 ans de mariage. À son décès, sa famille comptait 102 personnes.

Elle souffrait d’Alzheimer depuis plus de 7 ans, perdant graduellement sa mémoire et ses facultés cognitives. Elle est restée en résidence pour aînés pendant 11 ans avant d’emménager au CHLSD Lionel-Émond. La maladie d’Alzheimer nécessitait une meilleure attention par des professionnels de la santé. C’était quelques semaines avant la pandémie.

Un calendrier familial de visites avait été organisé où chacun lui rendait visite au moins une fois la semaine ou lui faisait faire une sortie. Elle s’est facilement adaptée à son nouveau cadre de vie en CHSLD puisqu’elle y était plus stimulée par des activités organisées et du personnel mieux formé et attentionné.

Début mars 2020, les visites aux CHSLD du Québec sont interdites comme mesure de santé publique. À partir du 14 mars, nous n’avons pu voir notre mère. Nous pouvions lui parler au téléphone ou par vidéo plusieurs fois par semaine par l’entremise du personnel. Le 16 avril : le verdict tombe : elle est infectée par la COVID-19. Une Zone Rouge s’installe sur son étage avec les autres patients infectés.

Au début, les communications sont difficiles avec maman, car les employés sont débordés par l’organisation de la Zone Rouge. Des CD de chants traditionnels familiaux des 11 enfants lui sont envoyés. Ces chants jouent en boucle à son chevet. Le médecin et les préposés nous disent que cela apaise maman d’entendre ainsi nos voix. Puis, des tablettes arrivent facilitant les communications entre maman et la famille. À deux reprises, maman tente de parler, comme pour nous dire, je suis là, je vous entends! Les appels vidéo et nos chants nous permettent de l’accompagner dans la maladie à défaut d’être présents. C’est une battante. Elle aura combattu la maladie jusqu’au bout.

Un infirmier lui flattait les cheveux et lui tenait la main quand il venait la voir durant son agonie. C’est lui qui l’a accompagnée dans la mort en lui tenant la main. Nous remercions la Dre Foucault et l’équipe de la Zone Rouge du CHSLD Lionel-Émond au 4e étage de nous avoir assistés pour mettre en œuvre ces mesures qui ont permis à cette matriarche, bâtisseuse du Québec, de mourir dans la dignité, accompagnée virtuellement de ses enfants.

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